#Paramétrisation écologique n°1 - Comment rendre nos paramètres sur mobile plus écologiques ?

Paramétrisation écologique

· Thomas Thibault de Limites Numériques
Lecture :

L’équipe de recherche Limites Numériques a enquêté sur la manière dont les applications se laissent paramétrer pour favoriser des pratiques plus sobres et plus écologiques sur smartphone. Voici quelques enseignements dont ils nous font part. Cet article est le premier de la série sur la paramétrisation.

Bien que la majeure partie des impacts du numérique soit liée à la fabrication des appareils, il ne s’agit pas de faire seulement des appareils réparables. Nos applications, toujours plus consommatrices en données et en calcul participent à l’obsolescence de nos smartphones. Elles les ralentissent, les saturent, et leur en demandent toujours plus. Une fois renouvelés, nos smartphones, plus puissants, permettent à leur tour des usages plus consommateurs et ainsi de suite.

L’un des chaînons de ce phénomène se trouve peut-être dans la manière dont on peut régler le fonctionnement de nos applications. Cette marge de manœuvre s’incarne dans quelque chose qu’on utilise plus ou moins : les paramètres.

Une absence d’intention écologique dans la paramétrisation

Quand notre équipe a analysé les paramètres dans diverses applications mobiles, un premier constat nous a sauté aux yeux : ils ne sont jamais pensés avec une intention écologique.

Bien que certains pourraient avoir un effet écologique (plus ou moins faible), les paramètres sont toujours conçus et présentés sous l’angle de la performance, de la qualité d’affichage etc. S’il y a une possibilité de réduction elle est très souvent présentée comme une version dépréciée ou anormale des performances maximales que peut nous offrir l’application.

Un exemple parmi tant d’autres : pour régler la qualité des contenus il est nécessaire de se rendre dans un onglet « affichage » ou « performance ». Une fois dans cet onglet, on constate que l’impact de changer la qualité de contenu est formulé uniquement sur l’aspect de performance puisque bien souvent aucune indication sur l’aspect environnemental n’est mise en avant.

Bien que changer la qualité de contenu puisse jouer sur la performance, imperceptible le plus souvent pour nous, il nous paraît pertinent d’intégrer une mention au moment de changer la qualité de contenu pour sensibiliser chacun.e sur l’impact environnemental que cela engendre.

Les réglages de la qualité des contenus sur Twitter.

Sur Samsung, la résolution de l’écran est paramétrable ce qui influe sur la durée de vie de la batterie mais cet effet n’est pas mentionné. Il n’y a donc aucune raison écologique ou économique qui nous incite à baisser ce paramètre

Les réglages de la définition de l’écran sur Samsung.

Une compréhension difficile des effets des changements de paramètres

La plupart du temps, nous avons remarqué qu’il est difficile de comprendre l’impact d’un changement de paramètres. La faute à un vocabulaire parfois trop simpliste, ambigu ou un manque d’informations.

Par exemple sur Spotify, vous ne pouvez pas voir la différence en termes de poids de contenu entre une qualité très élevée et haute. Même la différence de qualité sonore (quasi imperceptible à l’oreille) n’est pas discernable.

La qualité sonore sur Spotify.

Sans oublier la fonction « économie de données » présente sur tous les smartphones qui ne nous renseigne ni sur ce que sont ces « données » ni sur la quantité économisée.

Un choix par défaut problématique

Si vous jetez un œil à vos paramètres par défaut, vous pourrez voir ce qui est choisi est toujours l’option la plus consommatrice et performante. Ce qui pose un problème dans la mesure où il est rare que nous pensions à changer nos paramètres. Un choix qui, répété sur des millions ou des milliards d’appareils, peut avoir un impact notable dans l’écosystème numérique.

Par exemple la résolution par défaut de votre appareil photo sur votre smartphone est toujours celle qui possède le plus de mégapixels bien que nous n’en n’ayons pour la plupart d’entre nous pas besoin (en effet la qualité d’une photo aujourd’hui dépend bien plus de la qualité du capteur et du traitement d’image que du nombre de pixels).

Ce choix contribue alors à l’augmentation inexorable du poids de nos photos, et donc de l’espace de stockage nécessaire, de la taille réseaux et ainsi de suite. Bref, vous avez compris.

Le choix de la résolution des photos sur Samsung.

Une accessibilité confusante

Soyons honnête, il nous arrive à toutes et tous de galérer à trouver le bon paramètre. Et ce n’est pas votre faute. Les paramètres sont lexicalement et formellement différents entre les applications, ce qui demande un effort de réadaptation constant. Chaque application a sa propre manière d’organiser et nommer ses paramètres rendant difficile leur accès et donc de potentielles pratiques plus écologiques.

Sur Twitter le paramètre sur la qualité des images et vidéos se trouvent dans une arborescence plutôt éloignée et possède un nom de catégorie relativement flou.

Paramètre de qualité de contenu sur Twitter.

Pire sur Netflix, la qualité des vidéos sur l’application web n’est pas sur le lecteur mais est dans un onglet « compte » puis « profil et contrôle parental ».

Des applications peu paramétrables

De manière générale, nous constatons que les applications proposent assez peu de paramètres. Néanmoins, les alternatives libres en proposent souvent un plus large panel. La raison ? Sûrement parce qu’elles peuvent se le permettre, leur modèle économique étant rarement basé sur de la captation de données et d’attention comme le sont la plupart des grandes applications.

NewPipe, alternative libre à YouTube, nous laisse le choix de ne pas télécharger le flux vidéo, de ne pas afficher les recommandations algorithmiques, etc. Ou encore Mastodon qui, à l’inverse de Twitter, propose la suppression automatique de vos posts via une date de péremption définie préalablement par l’utilisateur depuis les paramètres, justement parce que son modèle n’est pas basé sur la capture de données personnelles.

La suppression de posts a un impact écologique positif car cela réduit la quantité de données stockées sur les serveurs et donc leur taille.

La suppression automatique de vos posts sur Mastodon.

Vers des pistes de design écologique de nos paramètres

Limites Numériques pose une première pierre pour imaginer ce que pourrait être une paramétrisation écologique. Dans les prochains mois nous vous partagerons nos premières pistes de conception.

—> Article n°2 : #Paramétrisation écologique n°2 - Des paramètres pour vivre avec un mobile vieillissant.

Thomas Thibault pour Limites Numériques.

Pour TeleCoop, en tant qu’opérateur télécom et porte d’entrée vers le numérique, il est primordial de défendre un numérique plus responsable. C’est pourquoi TeleCoop et Limites Numériques, portant des valeurs communes, se sont associés pour mettre en lumière ce sujet.

Quelques mots sur Limites Numériques :
Limites Numériques est un projet de recherche en design s’intéressant aux formes, fonctions et usages d’un numérique s’inscrivant dans les limites planétaires. Il est porté par la coopérative de design numérique Praticable et des chercheurs et chercheuses en design et en informatique d’un laboratoire du CNRS et de l’Université de Strasbourg.

Sources et liens utiles :
L'article plus complet de l'enquête
Le site de Limites Numériques
La newsletter Limites Numériques
Le studio Praticable


En savoir plus sur nos offres

Articles récents