On a posé quelques questions sur le numérique à Richard Hanna, animateur du podcast Techologie, militant pour un numérique responsable, entrepreneur… Découvrez ses réponses.
1️⃣ À quoi devrait vraiment servir les solutions numériques dans notre société ? Quels sont les usages vraiment utiles dans une perspective d’économie de post-croissance ?
« Le principal problème est qu’une grande majorité des solutions numériques alimentent le capitalisme, le profit et non l’intérêt général. Nous rêvions d’émancipation, de liberté et de rencontres grâce à l’arrivée d’internet.
Au lieu de cela, nous avons un accaparement des richesses et des données de la part de grandes plateformes dominées par la Silicon Valley et la montée du fascisme par la même occasion.
Il est difficile de définir ce qui est utile de ce qui est futile. Et parfois dans le futile il y a de la poésie, oui même dans le numérique. Alors, dans une perspective d’économie post-croissance, faisons le tri démocratiquement et gardons ce qui sert l’intérêt général sans détruire le vivant. »
2️⃣ Comment parler de décroissance numérique de façon positive ? Quels sont les leviers, les moyens et réseaux à suivre sur ces sujets ?
« Une association dont je suis adhérent vient d’inscrire dans ses statuts, donc dans sa raison d’être, la décroissance numérique. C’est l’association Point de MIR sous la houlette de l’inspirante Bela Loto entourée de nombreuses bénévoles motivées (je mets exprès au féminin).
Parler de décroissance numérique de façon positive, on y travaille. C’est par exemple enlever le numérique là où ce n’est pas utile, réhumaniser les services publics, protéger les enfants et adolescents des réseaux sociaux et du cyberharcèlement, c’est refuser le classement algorithmique des populations.
C’est protéger la démocratie du techno-fascisme, lutter contre la surveillance de masse qui devient peu à peu algorithmique, c’est sortir des logiques néo-coloniales de l’accaparement des ressources, les pollutions induites et l’asservissement des peuples pour produire nos objets numériques hi-tech… »
3️⃣ On dit souvent que la technologie nous rend libres. Mais est-ce vraiment le cas ? Est-ce qu’on est encore maître de nos choix numériques ?
« La promesse de liberté et d’émancipation ne tient plus à grand-chose au vu de la montée de l’extrême-droite et donc le risque sur nos libertés, même numériques. Yaël Benayoun et Irénée Régnauld nous parlait dans leur essai en 2020 que désormais la “ Technologie est partout ”, la “ démocratie nulle part ”.
Mais dans les interstices du capitalisme, il est possible de subvertir le secteur du numérique. Et TeleCoop est un bon exemple de “ subversion ” plutôt que de parler de disruption si chère à la startup-nation.
De plus, pour être encore maître de nos choix numériques, encore faut-il faire moins de numérique, plus de lien social dans la vraie vie. Pour être encore maître de nos choix tout court, c’est aussi individuellement, comme collectivement, refuser, résister aux usages des IA. »
4️⃣ Faut-il chercher à se libérer des technologies ou apprendre à mieux les utiliser ? Est-ce qu’un usage plus simple et plus conscient est possible ?
« Il faut chercher à se libérer des technologies, tout en apprenant comment elles fonctionnent, pour mieux les critiquer et peut être s’en passer ! D’autre part, il ne s’agit pas seulement d’un combat individuel. Les luttes se mènent également sur les terrains plus collectifs, par exemple sur le plan de la régulation. »
5️⃣ Pourquoi les solutions libres et open source sont-elles une bonne alternative ? En quoi sont-elles plus sobres ou plus respectueuses que les autres ?
« Comme le dit Louis Derrac, le logiciel libre est nécessaire mais pas suffisant. Sur ce sujet, j’avais écris un court article sur L’open source, contributeur d’un numérique plus soutenable.
Selon le documentaire « La bataille du Libre », les 3 domaines qui doivent être libérés des brevets et devenir des communs sont les médicaments et les vaccins, les semences et les logiciels. »
